Biodiversité, environnements, sociétés, territoires
D’un point de vue naturaliste, les écorégions tropicales d’Amérique-caraïbe sont connues pour abriter une importante diversité biologique (forêts équatoriales et tropicales, récifs coralliens, mangroves, etc.), tout en étant soumises à de fortes contraintes de développement (démographique, agricole, urbain, touristique notamment) qui pèsent sur l’équilibre de leurs écosystèmes. Ce faisant, de tels écosystèmes se montrent particulièrement vulnérables aux effets - potentiels ou avérés - des changements climatiques, en milieu insulaire surtout (acidification et élévation du niveau des océans, recrudescence et amplification d’« événements extrêmes », tels cyclones ou sécheresses, invasions biologiques, etc.). Cette vulnérabilité est encore accentuée par une forte exposition aux risques sismique et volcanique (tsunamis, lahars). À cela s’ajoutent enfin des menaces sanitaires « globales », aux déclinaisons nombreuses et variées (des virus transmis par les moustiques aux algues sargasses en passant par les brumes de sable chargées de particules fines ou les pesticides comme la chlordécone aux Antilles). Dans un contexte politico-institutionnel marqué par la prolifération des régulations en matière de développement durable orientées vers une « économie verte et bleue », les régions et territoires d’Amérique-caraïbe constituent ainsi des laboratoires privilégiés pour étudier les enjeux de société associés à la biodiversité, entendue dans toutes ses acceptions.
Tel est le pari fait par cette équipe de recherche qui accorde aux sciences humaines et sociales un regard-clé sur la fabrique des problématiques à la fois socio-écologique et environnementale de ces régions et territoires, à l’heure de l’Anthropocène. Dans cette perspective, il convient de comprendre et d’expliquer comment et pourquoi les notions de biodiversité, d'écosystème et de socio-écosystème sont mobilisées afin d’atteindre des objectifs d'ordre politique, économique et juridique, quelles sont les représentations et les données recherchées, quels sont les modes de gestion privilégiés, comment sont interprétés et utilisés les résultats de la recherche scientifique. Empruntant à des sensibilités disciplinaires variées au sein du laboratoire (science politique, géographie, écologie, droit, économie, anthropologie, communication notamment), ce programme de recherche invite plus largement à appréhender la pluralité des expériences et des représentations attachées à la biodiversité, aux écosystèmes et aux socio-écosystèmes des régions et territoires d’Amérique-caraïbe, concernant aussi bien leurs dynamiques d’expertise que de politisation, qu’elles soient envisagées comme source de contraintes ou comme vecteur d’opportunités de développement, voire comme facteur de « résilience ».
À ce titre, plusieurs projets de recherche menés par les membres de l’équipe BEST s’appuient sur des partenariats scientifiques entre les Outre-mer français d’Amérique-caraïbe (Antilles et Guyane) et certains de leurs pays voisins (Brésil ou Costa Rica notamment). Le caractère à la fois périphérique et stratégique de ces ensembles régionaux et territoriaux, où s’entremêlent les références et les systèmes de valeurs à la fois culturels et politiques des « Nords » et des « Suds », a pour dénominateur commun d’exacerber les enjeux, les tensions et les conflits liés à une gestion durable des espaces et des ressources. Plus largement, ceci justifie l’importance accordée par ces travaux aux capacités des acteurs de produire des accords et de mettre en place des modes de régulation dans un cadre multi-échelles (locale, régionale, européenne, internationale) ou transversal à d’autres problématiques (migratoire et sanitaire notamment). La réalisation d’études de cas et de comparaisons, incluant d’autres régions et territoires situés ou non en zone tropicale, ainsi que leur mise en perspective théorique, visent à alimenter la réflexion de l’ensemble des membres du laboratoire.
Pour mettre en œuvre ce programme de recherche, les orientations thématiques de l’équipe BEST sont structurées autour de trois axes complémentaires :
Conservation de la biosphère
Le succès scientifique et politique du néologisme « biodiversité » s’est accompagné de l’inclusion dans le champ de la conservation d’objets « hybrides » (à l’instar des gènes, du patrimoine naturel, des connaissances traditionnelles ou des services écosystémiques) ainsi que d’espaces en grande partie méconnus (arc insulaire de la Caraïbe ou biome amazonien, par exemple). Ceci amène aujourd’hui un nombre croissant d’acteurs, à la fois individuels et collectifs (services de l’État, collectivités territoriales, communautés autochtones, ONG, entreprises, bureaux d’études, chercheurs, citoyens, etc.), à revendiquer légitimité et compétences en matière de construction, voire de « gestion » patrimoniale. À cet égard, le patrimoine naturel s’insère dans des systèmes de sens et de valeurs extrêmement variés. Le rôle des savoirs et de l’expertise dans la fabrication et la légitimation des politiques de patrimonialisation de la nature représente dès lors un enjeu central pour la conservation de la biosphère des écorégions tropicales de la Caraïbe et des Amériques, et un premier objet d’enquête privilégié de l’équipe BEST.
Réduction des risques de catastrophes
L’existence de multiples aléas naturels (géophysique, hydrologique, météorologique) et la montée en puissance des « changements globaux » (événements climatiques, invasions biologiques, pollutions chimiques, etc.) mettent à l’épreuve la biodiversité et les écosystèmes des régions et territoires d’Amérique-caraïbe, en soulignant leurs vulnérabilités, dont les « causes profondes » ne sauraient être ignorées. Cette configuration particulière engendre une multiplication des risques collectifs et des situations de crise, auxquels doivent faire face un grand nombre d’acteurs (services de l’État, collectivités territoriales, entreprises, experts, citoyens, ONG, organisations internationales, etc.). Le concept récent de « réduction des risques de catastrophes » entend ainsi englober les différentes phases du cycle de la gestion des catastrophes (de la prévention à la reconstruction) et les différents leviers associés (diminution de l’exposition, réduction des vulnérabilités, etc.). La capacité des acteurs concernés, à la fois sociaux et institutionnels, à s’organiser pour réduire ces risques de catastrophes dites « naturelles » constitue un deuxième axe de réflexion essentiel de l’équipe BEST.
Transition socio-écologique
Les critiques portées à l’encontre des « excès » d’un système fondé sur l’exploitation des ressources naturelles de la planète et les changements environnementaux qui y sont attachés conduisent à mettre sur de nombreux agendas politiques et institutionnels la perspective d’une transformation en profondeur des systèmes socioéconomiques, où la biodiversité fait à la fois « problème » et « solution ». La question se pose avec d’autant plus d’acuité pour des territoires dont l’harmonie des écosystèmes est fragile et où la dépendance énergétique (entre autres) demeure forte, notamment en milieu insulaire. Ainsi, se sont multipliés au cours de ces dernières années les dispositifs d’adaptation à base d’ingénierie écologique, économique, juridique, comptable ou fiscale (ecosystem-based management, agroécologie, énergie renouvelable, paiement pour service environnemental, comptabilité écosystémique, etc.), qu’ils émanent d’institutions publiques, d’entreprises privées ou de collectifs citoyens, susceptibles d’alimenter l’horizon d’une transition socio-écologique des régions et territoires d’Amérique-caraïbe. L’analyse des freins et des leviers à ces logiques d’écologisation de l’action publique constituent un troisième champ d’investigation prioritaire de l’équipe BEST.
Santé environnementale
Les travaux menés par l’équipe BEST s’ordonnent autour de plusieurs contrats de recherche :
Aux plans institutionnel et scientifique, l’équipe BEST s’inscrit dans les réseaux de recherche de deux laboratoires d'excellence :
• Le Labex CEBA (Laboratoire d’excellence – Centre d’étude de la biodiversité amazonienne)
• Le Labex DRIIHM (Laboratoire d’excellence – Dispositif de recherche interdisciplinaire sur les interactions hommes-milieux), OHM Littoral Caraïbe
Pour accroître et renforcer la visibilité institutionnelle de la coopération stratégique internationale mise en œuvre par l’équipe BEST, le LC2S développe un réseau de recherche international :
• L’IRCAB (Institut de recherche en sciences sociales sur la biodiversité Caraïbe-Amériques)
Depuis 2021, l’équipe BEST est également associée aux activités d’un réseau de recherche multi-situé :
• Mondes caraïbes et transaltantiques en mouvement (MCTM)
L’animation de la vie interne de l’équipe BEST s’appuie sur un séminaire :
• Séminaire « Changements environnementaux et société » (CHASE)
Responsables de l’équipe BEST : Yann Bérard & Éric Kamwa