Appel à articles, Revue Macte (prolongement 31 juillet 2021)

26 janvier 2021 par D.Bechacq
En quête de mémoires, une histoire de l’art partagée de la Caraïbe ?
sculpture jean-Baptiste Carpeaux

La Caraïbe est aujourd’hui confrontée à une profonde crise sociale, environnementale et politique. Les récents bouleversements climatiques et virologiques ainsi que la paupérisation des populations vulnérables, contribuent à la montée des irrédentismes (nationalismes et des communautarismes entre autres), amplifiés par le mouvement international Black Lives Matter. Les héritages du passé esclavagiste, les plaies encore ouvertes, nourrissent les revendications identitaires, les postures militantes, les actes de destructions performées envers les symboles de la colonisation dans l’espace public et numérique (plaques commémoratives, statues, images stéréotypées). Un esprit de défiance se diffuse et se popularise contre un patrimoine artistique et iconographique de plus en plus contesté et décontextualisé. Les œuvres liées à l’univers esclavagiste, impérialiste, transatlantique ou postcolonial témoignent de mémoires historiques à interroger, pour mieux les comprendre et les déconstruire. Peintures, sculptures, gravures, photographies, mobiliers, objets, livres illustrés, renvoyant au fait colonial, conservés dans les musées, les bibliothèques, les centres d’archives et les collections privées du monde entier contribuent à faire parler le passé, éduquer les regards, susciter l’émotion, cheminer vers une forme de résilience. Si beaucoup de collections iconographiques ont contribué, à travers le temps, à diffuser des imaginaires impérialistes aux rapports déséquilibrés, à vulgariser et à enraciner les théories racialistes (A. Lafont), d’autres ont aussi dénoncé, par l’acte engagé de leur créateur, la violence du système de domination des peuples (M. Dorigny). La recherche dans les collections publiques et privées a en outre mis en lumière, dans le milieu artistique et culturel, des histoires chargées d'une présence diasporique souvent restées dans l’ombre. Elle a révélé des trajectoires de migration et de vie moderne évoluant au cours des décennies précédant et suivant les abolitions de l’esclavage. (D. Murrell). Les artistes avaient parfois des relations familiales et des amitiés proches avec leur modèle (D. Murrell, C. Lozère). Dès le XVIIIe siècle, l’identification, dans les sources primaires, d’artistes issus de la Caraïbe ou qui s’y sont installés (V. Poupeye, A. Cummins, C. Lozère), de pratiques et de traditions artistiques et artisanales insulaires, de contre-discours engagés, d’échanges et de métissages esthétiques, oblige à questionner ces œuvres, les trajectoires d’artistes ainsi que nos propres catégorisations et représentations mentales. Face à notre monde où la présence diasporique s’affirme, une histoire de l’art partagée et décentrée est à écrire. Il s’agit alors d’interroger comment les mémoires et les récits qui leur sont attachés, produits par le travail des artistes, se confrontent à ceux des empires (britannique, français, néerlandais et espagnol). Pourquoi ce patrimoine artistique est aujourd’hui rejeté ou révisé (S. Mintz, R. Price) ? Et dans quelles conditions intellectuelles, économiques et sociales se sont formés les répertoires esthétiques et le goût artistique dans une séquence historique dominée par l’esclavage (S. Gikandi), quelles marges de liberté avaient les artistes ?

Cet ouvrage examinera les approches méthodologiques, scientifiques et artistiques dans la valorisation et la gestion de ces collections à la mémoire sensible et fissurée. Il s’agira de montrer comment les chercheurs, les curateurs et les institutions muséales abordent désormais le passé esclavagiste et colonial ainsi que les questions raciales à travers une lecture analytique critique et historicisée des œuvres témoignant parfois de positionnements nationaux contrastés. La constitution et la provenance de ces collections seront interrogées ainsi que leurs fonctions, leurs inscriptions dans les espaces publics, privés, communautaires et familiaux, de même que les territoires de l’histoire, les cultures matérielles et visuelles, les séquences temporelles retenues (pré-esclavage, esclavage, abolition et batailles pour la citoyenneté, post-esclavage). Le rôle de l’exposition, comme espace d’études, d’échanges et de débats scientifiques, sera également questionné. Enfin, la parole sera donnée à des artistes sur leurs propres relations aux collections coloniales entre rejet, appropriation, détournement, déconstruction et reconstruction des formes.

Thèmes privilégiés :

- Approches méthodologiques, scientifiques et artistiques de la valorisation et de la gestion des collections muséales.

- Histoire de l’art et patrimoine colonial artistique de la Caraïbe, analyse critique et historicisé des œuvres

- Constitution des collections et leurs inscriptions dans leurs espaces d’accueil

- Relation des artistes contemporains aux collections coloniales caribéennes

Les articles sélectionnés donneront lieu à une publication en français dans le n°2 de la Revue du Macte. Une version en anglais est également prévue. Les propositions d’articles en français ou anglais, soumis au comité scientifique, sont à envoyer avant 31 juillet 2021 à l’adresse suivante : lozerechristelle@yahoo.fr ou christelle.lozere@univ-antilles.fr . Elles doivent comprendre un titre et un résumé de 150 mots maximum et une courte biographie en français et en anglais de 100 mots. L’ouvrage illustré sera constitué d’articles entre 15 000 signes et 20 000 signes.

Contact : lozerechristelle@yahoo.fr ou christelle.lozere@univ-antilles.fr

Coordinatrices du projet : Christelle Lozère (UA LC2S), Laurella Rinçon (Mémorial Acte)

Comité scientifique :

Ana Lucia Araujo, professeur d’histoire, Université Howard, Washington DC

Alissandra Cummins, directrice du Musée de la Barbade, UWI

Mamadou Diouf, professeur d’histoire, Université de Columbia, New York

Christelle Lozère, maître de conférences en histoire de l’art, UA LC2S, Martinique

Denise Murrell, conservatrice associée au Metropolitan Museum of Art, New York

Laurella Rinçon, conservatrice du patrimoine, Directrice générale du Mémorial Acte, MACTe Guadeloupe

http://lc2s.cnrs.fr/wp-content/uploads/2021/01/Appel-à-communication-Revue-MACTe-n2.2022-français-anglais.pdf

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